Transmettre

Passer le relais

Transmettre signifie déposer au-delà, au-delà de nous-même dans une idée de transcendance, quelque chose qui subsistera lorsque nous ne serons plus de ce monde ou tout simplement que nous ne serons plus dans un endroit.
Il semblerait qu’aujourd’hui, nous soyons dans une crise de la transmission. Alors que l’individu se positionne comme absolu, comment recevoir ce qui vient d’avant et pourquoi donner ce que nous sommes à ceux qui viennent après nous ? La transmission est vue comme une dictature. Transmettre devient un acte de domination. Really ?

Comment nous connaître nous-même sans transmission ? Comment développer notre pensée, savoir qui nous sommes sans langage qui organise notre pensée ?
Ceux qui ont développé des théories contre la transmission comme Descartes, Rousseau, Bourdieu et bien d’autres sont justement héritiers d’autres, de livres qui leur ont été transmis. Tout un paradoxe.
Transmettre pour permettre à chacun de se connaître, de se développer, d’atteindre qui il est mais aussi dans la conscience d’un tout. Bien fou celui qui croit se construire seul. Mais cette transmission ne se veut pas un carcan rigide et immuable. Elle se veut le socle de la nouveauté. L’ancien pour construire aujourd’hui et le nouveau dans la diversité. Un beau message.

Au-delà de la beauté des mots et des pensées, qu’en pensez-vous justement ?
Peut-on ne pas transmettre ?
Lorsque nous avons des enfants, nous transmettons la vie. Certains pensent qu’il ne faut d’ailleurs plus le faire. Mais quoi de plus beau que de transmettre la vie ? Nous ne serions pas là si certains ne l’avaient pas fait. Il faudrait leur en vouloir ? Vraiment ? On entend bien souvent que la vie est un cadeau. Elle n’est certes pas un long fleuve tranquille mais elle est fragile et précieuse et bel et bien quelque chose de beau.
Ensuite, toujours en tant que parent, peut-on vraiment ne pas transmettre ? Nous transmettons déjà tout ce que nous sommes : notre façon de parler, de nous tenir, d’être avant tout ce que nous faisons, nos valeurs. Même sans rien dire, nos enfants sont imprégnés de ce que nous sommes. Et si vous avez une passion, quelque chose que vous aimez, vous n’avez pas envie de leur partager ? Sans leur imposer, j’ai lu des livres à mes enfants dès leur naissance. J’aime les livres. J’ai des livres. Aurai-je dû les cacher dans un placard pour qu’ils ne les voient pas ? Aurai-je dû ne jamais leur raconter d’histoire ? Il se trouve que cela aide à développer le langage et l’imagination. Mais je leur ai imposé ce goût et mes goûts littéraires. C’est vrai. Mais je ne les force pas aujourd’hui à lire des livres, à en prendre à la bibliothèque et à leur demander de leur raconter. Si je ne l’avais pas fait, je leur aurai également transmis quelque chose. Lorsque je fais quelque chose ou que je choisis de ne pas le faire, je leur transmets de toute manière un message. J’aime les livres, c’est super, c’est un monde merveilleux. Ou je n’aime pas les livres, ne t’en approche pas, cela n’a aucun intérêt. Bien sûr, si vous avez lu Matilda de Roald Dahl vous savez qu’il est possible de développer une passion même si on ne vous la pas transmise. Cela n’est cependant pas neutre. Aucune éducation ou enseignement n’est neutre.

Dans un autre contexte que la parentalité, à moins de vivre dans une grotte, nous nous construisons de fait de transmission : celle que l’on reçoit et celle que l’on donne.

Il y a beaucoup de plaisir à donner. En ce qui me concerne, je le porte en moi. Transmettre est plus fort que moi. Si je comprends quelque chose, si je vis quelque chose qui me marque, si j’entends une musique que j’aime, si je lis un livre qui me parle, j’ai besoin de le transmettre, de le partager parce que je me dis que si ça me touche, cela peut en toucher d’autre.

Je pense donc que le fait de nier la transmission est à la fois illusoire et dangereux. D’un côté, on transmet toujours quelque chose, une idée, une idéologie, même le négativisme ou le nihilisme. Et de l’autre, refuser de transmettre, surtout comme politique national, revient à mon sens à nier qui nous sommes et nous conduit droit vers la folie, perdu à la recherche de nous-même, sans racine, sans fondement sur lequel construire celui que nous serons.

Je crois aussi que nous sommes fondamentalement fait pour transmettre. Transmettre la vie qui est en nous. Transmettre ce que nous avons reçu. Transmettre ce que nous aimons, ce qui brille en nous pour que d’autres s’en emparent, le transforment et le transmettent à leur tour.
L’histoire de l’humanité est une histoire de relais. Et heureusement. Imaginons qu’il faille à chaque génération tout recommencer ? Réinventer le feu, l’écriture, la roue, l’électricité…?

N’hésitez plus. Transmettez ! Transmettez qui vous êtes. Brillez ! Et passons le relais pour que les trésors qui sont en nous ne se perdent pas.

Merci
Merci à ceux qui m’ont transmis ce que j’ai en moi. Merci à ceux qui ont transmis ce qu’ils avaient compris pour que cela arrive jusqu’à moi et vienne me toucher à mon tour.